Stéphane Sérol,
emblème de la côte roannaise
Stéphane Sérol qui était venu à notre rencontre, le 18 novembre 2016, est l’objet d’un article dans Le Monde des Vins du 27 mars 2025.
Vous trouverez ci-dessous le texte de cet article.
Portrait – Le domaine a bénéficié du soutien des frères Troisgros bien avant le
classement de la région en AOC
Au-dessus du village de Renaison (Loire), à une douzaine de kilomètres à l’ouest de Roanne, la maison de Carine et de Stéphane Sérol, posée sur un roc de granite, entre chai et caveau, offre une vue permettant de mieux comprendre comment ce qui faisait la discrétion du vignoble de la côte roannaise est devenu sa force.
Leur domaine de 35 hectares est le plus important de la petite appellation côte roannaise (220 hectares et 25 vignerons, entre Lyon et Clermont-Ferrand). Mais il est constitué de parcelles dispersées entre forêts et pâturages, dominant la vallée de la Loire, tout en étant surplombés par les contreforts boisés du Massif central. Cet environnement de polyculture a longtemps été synonyme de vins modestes, légers en raison de l’altitude, portés par le gamay, ou plus exactement le gamay-saint-romain, le cépage local, promettant de désaltérer les soifs.
Mais les temps changent. « Cette variété de paysages et d’activités induit une biodiversité qui enrichit les sols et se révèle excellente pour les raisins », insiste Stéphane Sérol, 52 ans, qui défendait les vertus d’un vignoble agroforestier bien avant que le concept ne devienne tendance.
Et puis, ici, le réchauffement climatique est devenu un atout pour des vignes plantées entre 350 et 550 mètres, les raisins pouvant mieux atteindre leur pleine maturité, sans renoncer à leur fraîcheur. De quoi renforcer encore la dynamique d’une appellation dont les rouges gouleyants et poivrés, également capables d’élégance et de complexité, s’adaptent à merveille à de nouveaux consommateurs fuyant les tanins de papa.
Le gamay fédère la quarantaine de vignerons et vigneronnes du collectif Loire volcanique, entre Auvergne, Forez, Roannais et Saint-Pourçain, présidé par Stéphane Sérol. « Le but est de communiquer sur nos identités spécifiques. » Un message pertinent, si l’on en croit l’’Américain Jon Bonné, qui, dans son livre de référence, The New French Wine (Ten Speed Press, 2023, non traduit), qualifie la Loire volcanique de « nouveau paradis du gamay ».
Régulièrement remarquée pour ses domaines pleins de promesses – Reniteo, Les Vins de la Chamaille, le domaine du Tafret.. —, la côte roannaise a gagné ses lettres de noblesse grâce à des pionniers, et d’abord la famille Sérol.
Créées au Moyen Age, culminant à 18 000 hectares à la fin du XIX° siècle, les vignes du Roannais ont été dévastées par le phylloxéra, donnant ensuite un vin vivotant et servi au pichet. « Au début des années 1970, certains ont décidé de se relever les manches », souligne Stéphane Sérol. Son père, Robert Sérol, parie sur la qualité et l’ambition d’obtenir le classement de la côte roannaise en AOC. S’il faudra attendre 1994 pour décrocher ce Graal, les rouges de Sérol se distingueront avant cela auprès des gourmands, grâce notamment aux frères Jean (1926-1983) et Pierre (1928-2020) Troisgros. Triples étoilés à Roanne, figures de la « nouvelle cuisine », ces derniers
militent pour la côte roannaise et les vins de Robert Sérol, au point d’acheter avec lui une parcelle en copropriété : les Blondins. Une complicité prolongée aujourd’hui avec le chef Michel Troisgros, le fils de Pierre.

Conversion à la biodynamie
Stéphane Sérol rejoint le domaine familial en 1996. Un passage dans le Beaujolais, au Château des Tours, lui a transmis « la nécessaire méticulosité du travail de la vigne ». En Bourgogne, chez Faiveley, il a appris « la spécificité parcellaire ». Et un stage en Australie lui a montré « ce qu’’il ne fallait pas faire » : abuser de la technicité
A moins de 25 ans, il se concentre sur la restructuration du vignoble, l’achat et la mise en valeur des parcelles. Commencée en 2008, la conversion au bio est aboutie en 2014, avant un passage à la biodynamie en 2016. Une démarche, partagée avec son confrère Romain Paire, du domaine des Pothiers, qui sert aujourd’hui de modèle dans une appellation approchant les 80 % de conversion bio.
L’obsession de Stéphane Sérol est de produire les plus beaux raisins de gamay-saint-romain. « Un cépage au port bien droit, aux grappes longues, produisant un vin aux arômes de fruits rouges et aux notes plus épicées que son cousin du beaujolais », dit-il à propos d’un gamay qui, sur les vieilles vignes, a tendance à « millerander », produisant alors de petites baies concentrant les arômes, « sans pour autant produire plus de sucre, ni d’alcool ».
Récoltés en caissettes, les raisins sont vinifiés pour valoriser leur fruit et leur fraîcheur. « Je n’aime pas les vins rondouillards ou marqués par le bois », insiste M. Sérol. Dans son chai, seuls les blancs (un peu de viognier et de chenin) sont destinés aux fûts. Cuves béton, grandes cuves en bois et amphores accueillent et patinent des macérations adaptées à chaque parcelle.
La maison produit une demi-douzaine de cuvées, sublimant les terroirs granitiques : la salinité de Chez Coste, la complexité de Perdrizière, les fruits des bois des Blondins, l’équilibre des Millerands, le soyeux d’Oudan… Le fil rouge ? Une élégante tonicité comme signature.