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les Vins moelleux et liquoreux

Les Vins Liquoreux

Temps de lecture : 12 minutes

Date de parution : mars 2023

 
 

 

 

Table des matières

Qu’est-ce qu’un vin liquoreux ?

Un vin liquoreux a été élaboré à partir de raisins très mûrs possédant une très grande quantité de sucre. Lors de la fermentation, tout ce sucre ne se transforme pas en alcool.

(on l’appelle alors sucre résiduel), si bien que le vin conserve une certaine sucrosité qui fait penser à une liqueur d’où son qualificatif.

Selon la réglementation européenne et les normes de l’OIV, les mentions se référant à la teneur en sucre sont les suivantes : 

  • sec, lorsque le vin contient 4 g/l au maximum  
  • demi-sec lorsque le vin contient entre 4 g/l et 12 g/l maximum  
  • moelleux ou demi-doux lorsque le vin contient entre 12 g/l et 45 g/l maximum 
  • liquoreux ou doux lorsque le vin contient au minimum 45 g/l jusqu’à 220 grammes de sucre par litre et parfois même plus.

Par exemple :

La concentration minimale légale en sucres résiduels est de 450 g/L pour les Aszu Eszencia hongrois.

J’ai relevé un tokaji, le Disnókő Tokaji Aszú Eszencia 2007, dont l’analyse révèle les teneurs suivantes :

  • Alcool : 1 %  
  • Sucre résiduel : 681 g/l
  • Acidité totale : 10,7 g/l  

Comment s’élabore un vin liquoreux ?

L’élaboration d’un vin liquoreux nécessite des raisins plus riches en sucre et différentes techniques sont utilisées pour obtenir cette richesse en sucre :

  • le retard de la date des vendanges au-delà du calendrier commun de culture de la vigne
  • le passerillage sur souche. Le raisin se dessèche sur pied.
  • le passerillage hors souche. Les grappes sont coupées puis mises à sécher
  • la technique du vin de glace. Les grappes mûres sont récoltées lors des premières gelée.
  • la pourriture noble avec l’action du Botrytis cinerea

Le retard de la date de vendange

Retarder la date des vendanges au-delà du calendrier commun de culture de la vigne et de vinification augmente naturellement la teneur en sucre du fruit par évaporation d’une partie de son eau et le taux d’alcool par la maturation prolongée de la récolte de raisin.

 

C’est par exemple la technique des vendanges tardives d’Alsace

Le passerillage

Le passerillage enrichit le raisin en sucre par concentration. Le raisin perd alors de son volume en eau et se concentre en sucre. 100 kg de raisin peuvent ainsi donner 25 litres de vin, alors que traditionnellement ces mêmes 100 kg donnent de 65 à 75 litres de vin. Il peut se faire de deux manières :  

  • Le passerillage sur souche consiste à effeuiller la partie de la vigne au niveau des grappes au début de la maturité du raisin pour exposer le raisin au soleil 
  • Le passerillage hors souche consiste à conserver le raisin récolté sur des claies de paille. Cette conservation peut durer de quelques jours à plusieurs mois. Elle permet d’élaborer du vin de paille par exemple 

La différence majeure entre les deux techniques est que lorsque le raisin mûrit sur le cep, son acidité diminue au cours de la maturation, tandis qu’un raisin passerillé hors souche (sur des claies, par exemple) concentrera son sucre et son acidité en même temps.

On obtient donc des vins assez différents car l’acidité conserve en général la « fraîcheur » et aide à la garde du vin

Cliquer pour agrandir chacune des photos

Le vin de glace

Le vin de glace (connu dans les régions productrices sous les noms de «Eiswein» et« icewine» ) est un vin fait à partir de raisins vendangés gelés. Ce vin possède naturellement une forte teneur en sucres résiduels, équilibrée par son acidité .

La pourriture noble

La pourriture noble est un champignon, Botrytis cinerea, qui se développe sur les baies de raisin dans certaines conditions d’humidité et d’ensoleillement, permettant la production de vins de raisins surmûris.

Ce champignon peut, dans d’autres conditions climatiques, être appelé pourriture grise, endommageant alors la récolte.

Le champignon se nourrit de l’eau du raisin et a pour effet de concentrer le sucre à l’intérieur des baies. Les micro-perforations de Botrytis cinerea sur la baie, en perçant la pellicule, favorisent également l’évaporation de l’eau de la baie.

La vendange s’effectue plus tardivement, le temps de laisser le Botrytis cinerea se développer sur les raisins. La vendange peut s’effectuer en plusieurs fois, à plusieurs jours ou semaines d’intervalle, si seulement une partie des raisins est atteinte. On parle alors de tries successives de vendange.

Pour produire des raisins botrytisés, l’humidité matinale des mois d’octobre et de novembre est indispensable : favorisant le développement de ce champignon, elle doit être suivie d’un temps sec durant la journée pour faciliter l’évaporation de l’eau. La présence d’une rivière proche du vignoble peut permettre le développement de la pourriture noble.

Dans le Sauternais, c’est le Ciron qui joue ce rôle alors qu’en Anjou c’est le Layon.

La fermentation alcoolique

La fermentation alcoolique est un processus biochimique par lequel des sucres sont transformés en alcool.

Le moût des vins liquoreux est plus sucré ils ont donc 

  • un plus fort taux d’alcool potentiel 
  • un plus fort taux de sucres 

Leur fermentation alcoolique est incomplète, tous les sucres ne sont pas transformés en alcool, ces sucres restants sont appelés les sucres résiduels.

Soit la fermentation s’arrête par elle-même, soit cet arrêt est déclenché pour laisser une quantité suffisante de sucres en équilibre avec le taux d’alcool acquis.

Un exemple :

Il s’agit d’une approximation, bien d’autres éléments entrant en jeu dans la fermentation alcoolique.

Cf. en fin d’article, les conditions de la fermentation alcoolique

Sachant

Les taux de sucre du moût suivants donneront les quantités de sucre résiduels suivantes :

Sucre du moût

221 g

251 g

266 g

341 g

Taux de conversion sucre/alcool

17 g

17 g

17 g

17 g

Titre alcoolique volumique

13 %vol

13 %vol

13 %vol

13 %vol

Sucres résiduels en g

0 g

30 g

45 g

120 g

Dans le cas du Disnókő Tokaji Aszú Eszencia 2007 dont le titre alcoolique volumique est

de 1 %vol, le sucre dans le moût devait avoisiner 900 g !

Sommaire

Les cépages les plus appropriés

  • Alsace : gewurztraminer, riesling, pinot gris et muscat
  • Bordelais : muscadelle, sauvignon blanc et gris et sémillon, tous les quatre sensibles au Botrytis cinerea
  • Sud-ouest : petit manseng, gros manseng, courbu, mauzac et arrufiac 
  • Vallée de la Loire : chenin

Les appellations les plus renommées

en France

Alsace

 

Alsace Vendanges Tardives

Alsace Sélection de Grains Nobles

Bordelais

Entre-deux-Mers

Cadillac

Loupiac

Sainte-Croix-du-Mont

Graves

Barsac

Cérons

Sauternes

Jura

 

Côtes du Jura vin de paille

Sud-Ouest

Bergeracois

Côtes de Bergerac blanc

Côtes de Duras blanc

Côtes de Montravel

Haut-Montravel

Monbazillac

Saussignac

Moyenne Garonne

Gaillac doux

Piémont pyrénéen

Jurançon

Pacherenc du Vic-Bilh

Vallée de la Loire

Anjou

Bonnezeaux

Coteaux de l’Aubance

Coteaux du Layon

Quarts de Chaume

Touraine

Montlouis-sur-Loire

Vouvray

 
 

 

 

A l'étranger

Hongrie

 le Tokaji Aszu est très réputé depuis de nombreux siècles (« Vin des rois, roi des vins », aurait déclaré Louis XV).

La technique est différente . Les baies botrytisés sont cueillies pour obtenir par pétrissage une sorte de pâte épaisse qui est ajoutée au moût du raisin normal les fameux «puttonyos».

 
 

 

 

Allemagne et Autriche

Les vins sont classés selon le mode de récolte et leur richesse en sucre naturel :

  • Auslese : sélection des meilleures grappes
  • Beerenauslese : récolte de raisins botrytisés
  • Trockenbeerenauslese : sélection de baies botrytisées de raisins surmûris.
  • Esiwein : récolte de raisins gelés sus souche à -7°C au moins

Italie

Les vins liquoreux italiens proviennent  essentiellement du passerillage et  sont appelés «passito».

Un exemple est cher au coeur de notre président, Jean-Pierre Navet, le passito di pantelleria dont le cépage est le  zibibbo (Muscat d’Alexandrie).

Canada

Le Canada produit des vins de glace au Québec, en Ontario (Icewine) et en Colombie-Britannique.

Sommaire

La dégustation

La robe des vins liquoreux

Le vin liquoreux est habillé d’une somptueuse robe « vieil or » qui évolue avec l’âge vers un ambre chaud.

Les arômes des vins liquoreux

Les seize arômes les plus retrouvés dans les vins liquoreux sont repris dans le tableau

ci-dessous  avec leur répartition suivant les régions viticoles

La bouche des vins liquoreux

Au niveau du goût, il faut savoir que le sucre ne détermine pas tout. C’est une information importante mais elle n’est pas essentielle dans le cadre d’une dégustation.

La notion la plus importante est celle de l’équilibre.

Ainsi, des vins très bien équilibrés sont  frais et rafraîchissants alors même qu’ils peuvent contenir des quantités importantes de sucre.

Le sucre est un support d’arômes, pas une fin en soi. Il est un révélateur de saveur et il donne une impression d’intensité et de force dans le vin.

La suavité est présente mais  bien compensée par une exquise fraîcheur et une longueur toute de fruits et d’arômes exotiques quand en bouche le fondu le dispute à la richesse, le moelleux à la vigueur, la soie au velours, avec cette persistance infinie .

Dans les grands vins liquoreux il y a  un parfait équilibre entre finesse acidulée et ampleur.

Ayez en tête le graphe suivant quand vous dégustez

  • Ayez en tête le graphe suivant quand vous dégustez un vin liquoreux. Si les qualificatifs que vous lui attribuez se situent dans les zones vertes et jaunes, le vin est équilibré et se déguste bien.

Aucune des trois composantes ne l’emporte sur les deux autres.

Votre vin peut être capiteux et l’alcool contrebalance  la saveur sucrée .

Votre vin peut être vif et cette vivacité compense la puissance en sucre.

 

  • Alcool = chaleur
  • Acidité = fraîcheur
  • Sucre = douceur
  • Alcool + Acidité + Sucre bien équilibrés = un nectar

Diagramme de l’équilibre des vins moelleux et liquoreux

Sommaire

Annexes

Les conditions de la fermentation alcoolique

La fermentation alcoolique ne peut se produire que sous certaines conditions :

  • Température :
      • trop froid (10 °C), le processus est très ralenti voire incomplet.
      • trop chaud (au-delà de 45 à 50 °C), les levures meurent, le milieu devient inapte à leur survie. On considère, en vinification, que 30 °C – 32 °C est une température maximale, au-delà de laquelle le risque d’arrêt de la fermentation est très élevé.
  • Oxygène : bien que la fermentation soit un phénomène anaérobie, les levures ont besoin d’un peu d’oxygène pour se multiplier.
  • Azote assimilable : Il provient des raisins ou de leur moût mis à fermenter. Il est nécessaire pour assurer la multiplication des levures.
  • Alcool : c’est un antiseptique, même pour les micro-organismes qui l’ont produit. Passée une certaine concentration (de 14 à 16 %), il agit comme un poison pour les levures. Les boissons de plus haut degré alcoolique sont produites par distillation.

Le titre alcoométrique volumique

Le titre alcoométrique volumique (TAV), aussi appelé degré alcoolique ou degré d’alcool, est la proportion d’alcool dans une boisson.

Valeur du taux de conversion sucre/alcool

Pour ce facteur les tables officielles du règlement 2676/90 CEE considèrent qu’il faut 16,83 g/L de sucres pour produire 1% vol., soit 1 degré d’alcool.

Ce taux peut varier dans la réalité entre 16 et 18 g/L, en fonction du mode de fermentation (vin blanc, rosé, rouge) et du type de levure (levure indigène, levure sèche active)

 

Taux de conversion sucre/alcool (g/L pour 1% vol.)

Type de levure / Type de vin

Blanc

Rosé

Rouge

Levures indigènes

16.5

17.5

18

Levures sèches actives

16

17

17.5

Organisation internationale de la Vigne et du Vin - O.I.V.

L’ Organisation internationale de la Vigne et du Vin est une organisation intergouvernementale qui regroupe 49 états membres.

 

Les mentions exactes de la teneur en sucre résiduel sont les suivantes :

  • sec, lorsque le vin contient
      • 4 g/l de glucose plus fructose au maximum
      • ou 9 g/l lorsque la teneur en acidité totale (exprimée en grammes d’acide tartrique par litre) n’est pas inférieure de plus de 2 g/l à la teneur en glucose plus fructose.
  • demi-sec, lorsque la teneur en sucre du vin est supérieure à la teneur en sucre indiquée au premier tiret et n’excèdepas
      • 12g/l
      • ou 18 g/l, lorsque la différence entre la teneur en sucres et la teneur en acidité totale exprimée en gramme par litre d’acide tartrique n’est pas supérieure à 10 g/l  
  • moelleux ou demi-doux, lorsque le vin contient plus que les chiffres visés au 2ème tiret et atteint au maximum 45 g/l
  • doux, lorsque le vin a une teneur en glucose plus fructose d’au minimum 45 g/l

Sommaire

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